Rainer Maria Rilke, Fabrice Midal
"Se mettre à l'écoute de Rilke, c'est entrer dans l'écho de la poésie comme nous ne savons plus l'entendre; la poésie n'y est plus alors un métier d'écrivain, une entreprise culturelle et esthétique. Elle est une mise en résonance rendant sensible l'intensité propre à chaque chose.
Le poète est d'abord celui qui se met à l'écoute de la parole hors des
usages habituels qui n'ont aucun égard pour elle, afin de l'élargir aux
dimensions de l'invisible, l'affranchissant des contingences de l'espace ou du
temps où nous faisons des choses et des êtres autant d'instruments au service
de nos brusques et passagères velléités ou de nos petits calculs bien ordonnés
(...) Dans l'urgence du temps reconnu en ce qu'il fait époque, il révèle une
possibilité de vivre dans l'immensité retrouvée. La poésie n'est donc pas une
manière de nous divertir, de nous détendre, de nous aider à penser notre temps,
mais le vrai, le plus intense, le plus réel.
Elle ne nous réconforte de rien. (...)
Rilke le dit sans ambages dans Le Testament: " Qu'est ce qui
me serait le plus inutile à la fin qu'une vie consolée". (...) A avoir
cherché à nous protéger de tout nous ne savons plus grand chose de l'existence.
Le poète lui demeure dans la gravité, et l'œuvre qu'il sert est tension
et non ultime certitude. Notre "peur de l'inexprimable n'a pas seulement
appauvri l'existence de l'individu, mais encore les rapports d'homme à homme,
elle les a soustrait au fleuve des possibilités infinies, pour les abriter en
quelque lieu sur de la rive (extrait de Lettres à un jeune poète) " "
Rainer Maria Rilke, L'amour inexaucé Textes choisis et présentés par
Fabrice Midal
Editions Points, page 10 et 11
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Ami silencieux des nombreux lointains,
sens ton souffle encore accroître l'espace.
Dans la charpente obscure des clochers
fais-toi retentir. Ce qui vit de toi,
cette nourriture en fait une force.
La métamorphose, entre en elle et sors.
Quelle est ta plus douloureuse expérience ?
Boire est-il amer pour toi, fais-toi vin.
Dans cette nuit de démesure, sois
magique puissance où tes sens se croisent,
de leur rencontre étrange sois le sens.
Et si tu es oublié du terrestre,
à la terre immobile dis : Je coule.
A l'eau dans sa hâte parle : Je suis.
Rainer Maria Rilke, Elégies de Duino Sonnets à Orphée
Poésie / Gallimard page 247
Rainer Maria Rilke sur le site Esprits Nomades
Rilke ...toujours en bandoulière
RépondreSupprimerUn plaisir sans cesse renouvelé
Bonsoir Brigitte toujours fidèle
Bonsoir Arlette, merci de votre passage
RépondreSupprimeret je viens vous voir sur " Au gré des jours"!