Claude Vigée , "La disparition d'un grand poète" par Pierre Tanguy

     

Monde en poésie a la joie d'accueillir cette note de lecture de Pierre Tanguy auteur, poète et critique : Claude Vigée, la disparition d’un grand poète.


Claude Vigée : la disparition d’un grand poète

    

 

Photo source La Croix


      Immense auteur, Claude Vigée est décédé au mois d’octobre à l’âge de 99 ans. Né à Bischwiller en Alsace, il avait enseigné quarante ans la littérature comparée en Nouvelle Angleterre et à l’université hébraïque de Jérusalem avant de venir s’installer à Paris. En 1996, il avait obtenu le Grand prix de poésie de l’Académie française et, en 2008, le prix Goncourt de la poésie.

 

     Que retenir de son œuvre importante de poète, essayiste, conteur, diariste, traducteur (notamment de Rilke), marquée par un grand électisme, car ses livres sont souvent des ouvrages patchwork mêlant différents genres littéraires ? Pour Claude Vigée, l’écriture était une nécessité vitale. « Il s’oppose à une conception du poème comme objet esthétique affranchi de son ancrage existentiel », notait Anne Mounic dans la préface à la publication de ses œuvres complètes. « C’est le fond rural alsacien, relayé ensuite par la poésie biblique, qui donne à la poésie de Claude Vigée cette vigueur existentielle ancrée dans la substance terrestre de l’être ». D’où, chez le grand auteur juif, « une aptitude au réel et cette méfiance à l’égard de l’abstrait, fruit d’une expérience composite, qui fonde la vigueur de ses poèmes ».

 

     S’il fallait rapprocher Claude Vigée de certains poètes contemporains, on pourrait donc citer Reverdy, Bonnefoy, Jaccottet ou encore Guillevic. « Rien n’arrive, sinon/Etre présent au monde », résumait laconiquement Claude Vigée dans un de ses poèmes. « La poésie, disait-il encore, passe parfois à travers les pires horreurs de l’histoire, et permet d’éprouver malgré tout l’extase sur les décombres » (Le fin murmure de la lumière, éditions Parole et Silence, 2009). « Les poètes, disait-il encore, ressemblent à ces chevaux de halage que j’ai vus remonter le cours du Rhin dans mon enfance : ils soufflent et ils souffrent, mais obstinément ils marchent en traînant leurs bateaux chargés de charbon ou de graviers jusqu’au terme du long voyage de la vie ».

 

     Claude Vigée avait trouvé dans la Bible sa référence et sa source. Les figures de Jacob, Job et Jonas ont notamment marqué son imaginaire. Dans son œuvre, il nous a montré ce que pouvait être l’espérance lorsqu’elle survit, « malgré nous, malgré tout », au lucide et terrifiant constat de « la démence meurtrière des hommes ». L’œuvre poétique était alors, selon lui, au service d’une aventure  qui la dépassait infiniment : transmettre la vie. « Le secret de l’arrachement/c’est ce parfum qui subsiste/et œuvre avec patience/sous la neige hors du temps/comme le cri du rouge-gorge/caché au cœur de l’hiver/dans la floraison blanche/de l’amandier invisible », écrivait Claude Vigée, en décembre 1995, à Jérusalem.

    

    Face au doute et à la désespérance qui hante les auteurs dont l’œuvre est fondée sur le refus et la négation, Claude Vigée opposait l’affirmation d’une confiance lucide dans la vie et dans le langage. « Qu’est-ce donc que la poésie » ? interrogeait-t-il. « Un feu de camp abandonné/qui fume longuement dans la nuit d’été/sur la montagne déserte ».

 

                                                                                                      

 Pierre TANGUY.

 

 

A lire. L’homme naît grâce au cri,  poésies choisies (1950-2012), Points Seuil, 336 pages, 7,8 euros. Mon heure sur la terre, poésies complètes (1936-2008), Galaade éditions, 925 pages, 39 euros.

 

 


Claude Vigée, émission spéciale autour du poète Claude Vigée, le 5 octobre 2020 France bleu 

Sur Wikipédia Claude Vigée


Pierre Tanguy sur Monde en poésie


Claude Vigée , La disparition d'un grand poète, Pierre Tanguy




 

Commentaires