Nathan Katz, l'oeuvre poétique, Pierre Tanguy
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Pierre
Tanguy sur Monde en poésie
L’œuvre
poétique de l’Alsacien Nathan Katz
Poète en Alsace comme Anjela Duval l’était en Bretagne. Tous les deux enracinés mais tout autant universels. Nathan Katz (1892-1981), comme la paysanne-poète du Trégor, a chanté son pays natal dans une œuvre poétique que rééditent opportunément les éditions Arfuyen. Katz était originaire du Sundgäu, dans le sud de l’Alsace, un territoire dont il nous parle en dialecte alémanique. « Mon cher pays, je t’aime tant. Tu n’es tout entier que jardins ». En voyageant il entraînait avec lui son pays. « J’en désaltère mon âme,/je l’emporte avec moi par le monde ».
En plus de l’intérêt de découvrir une belle
œuvre poétique, les lecteurs bretons ont au moins deux bonnes raisons de lire
l’Alsacien Nathan Katz. D’abord il y a donc cette parenté d’écriture et
d’approche du monde avec celle d’Anjela Duval (1902-1981). Tous les deux
adoraient leur pays natal (avec une ardeur militante, en plus, chez la
Bretonne) et vécurent au plus près de la nature. Ensuite parce que Katz fut le
« grand frère » en poésie de Guillevic. Les deux hommes s’étaient
connus à Altkirch dans le Sundgäu suite à la mutation du père de Guillevic,
gendarme, dans le sud de l’Alsace. Le poète breton apprit l’alémanique (qu’il
connaissait mieux que la langue bretonne) et
traduisit en français des poèmes de Katz. On retrouve aujourd’hui certaines
de ses traductions dans ce premier tome de l’œuvre poétique de Katz. Aux yeux
de Guillevic, selon l’éditeur Gérard Pfister, l’auteur alsacien, « humble et généreux, naïf et profond,
demeurait (…) la figure même du
poète ».
La poésie de Nathan Katz se singularise par
sa profonde simplicité, flirtant parfois avec le chant ou la comptine (ce qui
la rattache, aussi, à des formes de la poésie orale bretonne) Elle parle de la guerre qui a meurtri son
pays (« Ma terre natale, que de sang
répandu sur les labours »).
Elle parle de la mort et des morts (« les
morts qui n’ont pas de repos dans la terre »). Elle parle de la
nature, des « petites poires du
fruitier », du « brouillard
d’automne », de « la nuit
d’hiver retentissante », du « chant
des pommes qui cuisent dans le four ». Elle parle du feu et de la
flamme : « Vois-tu le petit feu
flamber/Entends-tu les brindilles grésiller » avec, comme en écho, ces
mots d’Anjela Duval parlant de « la
voix du feu », « mon
complice de tous les soirs ».
Pointe en permanence, chez Nathan Katz, cette conscience aigüe de la
fugacité des choses. « Un poirier se
dresse quelque part dans la campagne, il dépérit ». Plus encore, c’est
notre précarité qu’il souligne quand il parle des « brèves heures de l’ici-bas » car « déjà nous attend la pierre des morts ». On croit
entendre, de-ci de-là, cette voix particulière des poètes chinois qui ont
inspiré Nathan Katz. « Le village
repose si tranquille./La lune luit sur les toits./Les pierres tombales sont
blanches dans la nuit ». Ces vers du poète alsacien font étonnamment
penser à ceux de Li Po (701-762). « Une
sombre, sombre étendue de pics bleus/avec la lune ensemble nous arrivons à ta
demeure paysanne ». La même intonation, le même regard, dénue de tout
artifice, posé sur la vie et le monde.
Comme les poètes chinois, Katz croit à des formes de renaissance. « Et quand nous serons morts, /nous
revivrons peut-être/dans tout ce qui est beau », écrit-il, « Nous seront peut-être la vie/qui
monte dans le jeune blé ». Jean-Paul de Dadelsen, qui fut avec
Guillevic un de ses premiers traducteurs, note que Katz était un être
profondément religieux. « Religieux
comme était l’homme primitif devant la nature, religieux comme pouvait l’être
un paysan grec ». Ou comme l’était une paysanne bretonne nommée Anjela
Duval qui, en bonne chrétienne, croyait à la « résurrection ».
Pierre TANGUY.
L’œuvre
poétique I, Sundgäu, Nathan Katz, préface de Jean-Paul de Dadelsen,
postface et notes de Yolande Siebert, traduit de l’alémanique par Théophane
Bruchlen, Jean-Paul de Dadelsen, Guillevic, Alfred Kern, Jean-Paul Klée, Gérard
Pfister, Yolande Siebert et Claude Vigée, éditions Arfuyen, 2021, 270 pages,
19,50 euros.
La survie après la mort
Et, à la fin, quand nous serons morts,
Peut-être allons-nous continuer à vivre
Dans tout ce qui est beau.
Peut-être serons-nous là
Où lève le blé vert ;
Dans ces millions, ces millions
De petites plantes
Qui poussent dans les vastes champs.
Peut-être serons-nous vivants
Dans la force du vent quand il passe à travers
bois,
A fléchir même les chênes,
Et dans l’éclatante éclosion des fleurs des jardins
paysans.
Peut-être continuerons-nous à vivre
Dans tout ce qui est beau
Dans tout ce qui est vivant.
Sundgäu. Das heimlige Waihje – Le souffle mystérieux
Merci chère Brigitte de partager cet article de Pierre Tanguy sur la Poésie de Nathan Katz (que je ne connaissais pas). Elle pénètre mon âme comme le souffle du vivant partout...J'aime vraiment, et semble bien, oui, la soeur de la Poésie de Guillevic, moins douloureuse que celle d'Armand Robin que je redécouvre, enfin, dans le beau livre de Jean Lavoué, " Voix de poètes de Bretagne. Le chant des pauvres" plein de ressource et d'enthousiasme que je lis toutes ces nuits de pluie...
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